11/06
2020

Prévention, bonnes pratiques et grands risques de santé publique : le baromètre santé conduit par Odoxa en partenariat avec la FG2A a observé les pratiques des Français en matière de nutrition, d’alcool, de tabac ou encore de cannabis, avant, pendant et après le confinement. Le point de vue de Frédéric Suant, membre de la commission santé de la FG2A et Président Directeur Général de Calimed Santé, sur les résultats de l’étude.

Comment percevez-vous l’étude dans son ensemble ? Les résultats vous étonnent-il ?

Les résultats de l’étude dans son ensemble ne m’étonnent guère : je ne suis pas surpris, ils sont attendus, et forcément liés à la crise sanitaire et au confinement qui a dû être imposé pour lutter contre la propagation du virus. Les participants auraient sans doute répondu différemment à un autre moment : il y a une prise de conscience contextuelle. Je ne suis pas sûr que sans cet impact, les résultats auraient été les mêmes. A voir si on la reconduit dans un an, par exemple.

Êtes-vous étonné que les Français estiment être aussi bien informés sur les risques alors même que beaucoup d’entre eux ont des pratiques à risques (prise de poids, alcool, tabagisme…) ?

Je suis d’accord avec le fait que les Français s’estiment bien informés. Maintenant, disent-ils la vérité ? Les enquêtes de ce type restent basées sur du déclaratif : je travaille avec un certain nombre de médecins au quotidien, et j’avoue être surpris par cet écart. Qu’ils aient conscience des risques mais que cette prise de conscience ne se reflète pas dans leur attitude. Il y a la convenance et la réalité : “faites ce que je dis, pas ce que je fais”, en somme.

Considérez-vous que la sphère politique influence les prises de positions scientifiques et/ou médiatiques ?

A mon sens, cette question fait débat. On assiste à un mélange des genres et à une collusion usuels depuis pas mal d’années. Dans le contexte inédit que nous venons de connaître, le comité scientifique informe les parties prenantes adéquates : la décision reste prise par le politique. Ce comité a dû donner des prérogatives sans même connaître vraiment ce virus, pour lequel nous n’avions pas de traitement, à l’exception de quelques cliniciens qui voulaient tester des thérapeutiques en faisant fi des directives données, comme le Professeur Didier Raoult. Je persiste à trouver étonnant que nous arrivions trois mois après la Chine sans avoir eu plus d’informations au niveau scientifique.

Cette situation n’a donc pas été évidente, ni pour les conseillers ni pour les politiques qui ont dû faire face à un contexte inédit dans lequel ils se sont avérés ignorants et aux approches divergentes, même au sommet de l’état en termes de pilotage. Pour faire face, nous avons dû faire preuve de mimétisme envers les approches des autres pays européens, comme l’Italie et l’Espagne, sans rien avoir appris de l’expérience chinoise. Dans ce contexte compliqué, difficile de savoir si nous avons réellement fonctionné sur des savoirs qui nous sont propres ou si nous avons copié les “réussites” étrangères : le contexte était compliqué et rien n’est finalement si facile.

Pensez-vous que la défiance des français vis-à-vis du Ministère des Solidarités et de la Santé soit légitime ?

C’est compliqué, là aussi. Nous avons bénéficié d’informations quotidiennes redondantes et anxiogènes, pas tant sur les gestes barrières que sur le nombre de morts à déplorer chaque jour. Un déferlement de chiffres sans explication ni mise en perspective : comment savoir ce que nous risquions concrètement à titre individuel ? Mais encore une fois, le contexte est inédit et il est très difficile de faire des choix : il est sans doute plus facile d’énoncer des chiffres que des faits contradictoires d’une structure à une autre. Et si on a été relativement bien préparés au confinement, la sortie a été annoncée beaucoup trop tôt, sans être assortie de mesures concrètes. Les gens ont bien compris qu’il fallait redémarrer l’économie à tout prix, quelle que soit la situation sanitaire. C’est troublant, et nombreux sont ceux à ne pas avoir su se situer dans ce contexte de déconfinement et à demander de rester en télétravail. Plutôt que ne parler que de la reprise de l’école, j’aurais aimé plus de transparence : le 11 mai, c’était le redémarrage économique sans détour. Il fallait l’afficher clairement et non adopter des biais qui génèrent de la suspicion. La transparence dans la communication autour d’un objectif réel est primordiale.

Quel regard portez-vous sur l’amélioration des pratiques de santé dans les autres pays européens ? Selon vous, cette tendance va-t-elle se poursuivre ?

L’amélioration reste là aussi contextuelle, et je tiens toujours à distinguer le déclaratif de la réalité. Il faudrait donc refaire cette étude bientôt pour avoir de réelles réponses à cette question.

Je pense cela dit que la frange de gens qui ont mal vécu le confinement risque de vouloir (re)croquer la vie à pleines dents sans mesurer les risques induits. C’est là que va se situer la principale différence entre les gens, entre les anxieux et ceux qui veulent respirer enfin. Nous ne sommes pas habitués comme en Asie au port du masque. J’ai peur que le retour à la normale implique d’oublier nos maigres acquis.

D’après vous, à quoi est dû l’amélioration du comportement des Français dans la consommation des produits à risque ?

L’amélioration du comportement des Français repose sur un mot clé à mon sens : la peur, à tous les niveaux. Celle du gendarme, celle du virus, celle de ne pas trouver les produits qu’on achète en temps normal. Je ne pense pas que l’amélioration soit pérenne, mais contextuelle et transitoire.

Quelle est votre vision de la suite post-Covid en matière de santé ?

Chacun doit apprendre de cette situation inédite. L’État a fait des erreurs dans un contexte inédit, mais la responsabilisation individuelle est primordiale, sur la base de doctrines collectives efficientes, non autocratiques scientifiquement, mais aptes à responsabiliser en fonction des comportements plus ou moins à risque. Chacun doit être libre de faire certes ce qu’il veut, mais aussi de l’assumer : c’est le patient, et non la société économique et sanitaire, qui doit être acteur de sa prise en charge. C’est pourquoi, au sein de CALIMED Santé, nous créons des outils numériques innovants comme solutions aux futures problématiques, articulés autour de la coordination de la prise en charge ville – hôpital – institution, de la pertinence et de la qualité des soins et de l’expérience patient, en incluant le consentement numérique éclairé pour les actes médicaux et chirurgicaux.

 

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