02/07
2020

Prévention, bonnes pratiques et grands risques de santé publique : le baromètre santé conduit par Odoxa en partenariat avec la FG2A a observé les pratiques des Français en matière de nutrition, d’alcool, de tabac ou encore de cannabis, avant, pendant et après le confinement. Le point de vue de Hervé Martel, Président de la commission santé de FG2A et Directeur de l’Alignement Stratégique de Harmonie Mutuelle, sur les résultats de l’étude.

Comment percevez-vous l’étude dans son ensemble ? Les résultats vous étonnent-il ?

Je ne suis pas particulièrement étonné par les résultats. Je ne trouve pas non plus spécialement surprenant que les Français se contredisent dans leurs déclarations.

Êtes-vous étonné que les Français estiment être aussi bien informés sur les risques alors même que beaucoup d’entre eux ont des pratiques à risques (prise de poids, alcool, tabagisme…) ?

La contradiction réside en effet ici. A ce stade, elle est même double, puisque les Français ne font pas non plus confiance aux autorités politiques mais se disent bien informés. Or, c’est le gouvernement qui a mis en place les dispositifs d’information relatifs aux gestes barrières comme précédemment sur le tabagisme, l’alcoolisme ou même la sécurité routière. Et en effet, certains continuent à avoir des pratiques à risque. Si on observe les statistiques sur plusieurs années, notamment en ce qui concerne le tabac et l’alcool, on constate une forte diminution des pratiques, avec une décrue systématique et continue. Ma question, dans ce contexte, est la suivante : est-on arrivé à un palier des personnes qui ont des pratiques dont ils connaissent bien les risques ?

Considérez-vous que la sphère politique influence les prises de positions scientifiques et/ou médiatiques ?

J’ose espérer que la sphère politique n’influence pas les prises de position scientifiques. J’aurais même tendance à considérer que l’inverse serait préférable. Si on se réfère à la pandémie en voie de stabilisation, espérons-le, les autorités n’ont eu de cesse de se référer aux positions exprimées par le comité scientifique et l’OMS. L’influence médiatique existe nécessairement, pas uniquement au niveau de la santé : un jeu a toujours existé entre le politique et le médiatique, et leur influence varie selon les périodes pour devenir réciproque. Les médias obligent ainsi le gouvernement à réagir dans des domaines où il ne souhaitait pas interférer, et inversement.

Pensez-vous que la défiance des français vis-à-vis du Ministère des Solidarités et de la Santé soit légitime ?

Là aussi, je juge les résultats de l’étude parfaitement contradictoires. Tout dépend de quoi on parle. En l’espèce, j’aurais tendance à dire que le Ministère paie une communication déficiente au début de la crise, qui manquait totalement de transparence en ce qui concerne la question des masques et des tests. Il est intéressant de noter cette défiance vis-à-vis du Ministère de la Santé mais pas envers l’autorité elle-même puisque dans le même temps, les Français font confiance à l’OMS qui n’a pourtant pas été bien plus claire dans ses premiers messages. Il est donc contradictoire de critiquer les autorités tout en reconnaissant leur pouvoir et leur efficacité. La question qui se pose selon moi est d’interroger cette défiance : est-elle relative uniquement à la pandémie ou préexistait-elle déjà par principe, sinistrée par un certain nombre de facteurs dont le mouvement des Gilets jaunes ?

Quel regard portez-vous sur l’amélioration des pratiques de santé dans les autres pays européens ? Selon vous, cette tendance va-t-elle se poursuivre ?

Je pense que nous sommes sur un mouvement de fond d’amélioration des pratiques de santé en France comme en Europe. Tout le monde semble s’orienter sur la même voie : celle de la continuité et de l’accentuation de ce qui a été fait pendant le confinement. Ce chemin est irréversible.

D’après vous, à quoi est due l’amélioration du comportement des Français dans la consommation des produits à risque ?

Les résultats sont encore une fois contradictoires puisque les messages invitant à de meilleures pratiques viennent des politiques pourtant décriés par les répondants. Une véritable défiance s’installe en France depuis de nombreuses années, bien avec l’ère Macron, alors que les mesures de prévention sont d’abord gouvernementales. Elles sont ensuite plus ou moins reprises par différents intervenants des secteurs de la santé et de l’assurance. Qu’on la défie ou pas, cette communication finit par fonctionner.

Quelle est votre vision de la suite post-Covid en matière de santé ?

Je pense que les Français n’ont peut-être pas été totalement lucides dans leurs réponses, qui ne reflètent pas forcément les pratiques en confinement, car comment expliquer le mieux manger déclaré (graisse- sel) avec la prise de poids de près de 3 kilos sur la même période. Cela dit, la prise de conscience est importante. La crise a par ailleurs apporté une réalisation de l’importance du territoire et de son développement. Je pense que les améliorations vont s’accentuer, si la communication autour des bonnes pratiques et des modes de consommation continue de progresser. Je suis convaincu que tout le monde, industriels comme politiques, va s’y mettre : je suis très optimiste de ce point de vue, d’un mouvement de fond initié il y a quarante ans et qui connaît une forte progression depuis cinq ans. La pandémie nous place à la croisée des chemins : l’époque sera charnière pour la suite.

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